Le sevrage proposé par le corps médical en France : des méthodes inadaptées qui favorisent la rechute
Que ce soit en ambulatoire ou en milieu hospitalier (y compris dans les services spécialisés), les méthodes de sevrage que les médecins français proposent à leurs patients ne sont pas du tout adaptées à la réalité de la dépendance aux benzodiazépines. Les protocoles de sevrage sont beaucoup trop courts (sevrage en six à dix semaines maximum) et les médecins ont trop souvent tendance à prescrir d'autres psychotropes (antidépresseurs, neuroleptiques, ou une autre classe d'anxiolytiques) qui, loin de compenser le sevrage aux benzodiazépines, peuvent en aggraver à la fois les manifestations et la durée. En outre, le soutien moral, indispensable pendant cette phase difficile, est bien souvent inexistant, voire contre-productif, dans la mesure où il consiste en une psychologisation à outrance du syndrome de sevrage, dont l'origine est pourtant essentiellement physique. Les souffrances physiques du patient sont niées, ou minimisées, et ses souffrances mentales attribuées à un trouble psychique préexistant - qui, bien souvent, dans les cas où celui-ci est effectivement présent avant le sevrage, s'avère être une constellation d'effets secondaires du traitement aux benzodiazépines.
En effet, lorsque le patient en arrive à vouloir se sevrer, il est souvent dans un état de souffrance psychique qu'il confond avec un état qui lui serait propre, et qui n'est en fait que la conséquence de la prise chronique de benzodiazépines, que ce soit en raison d'effets secondaires ou paradoxaux, de l'émergence de la tolérance et donc de symptômes de sevrage avant toute tentative de sevrage, ou encore de symptômes de manque entre les doses dans le cas de traitement par benzodiazépines à demi-vie courte. -voir la section "les méfaits des benzodiazépines".
Il est donc enclin à prendre au pied de la lettre l'interprétation que le médecin fait de son état, et à en tirer des conséquences inadaptées pour le traitement de sa dépendance (sevrage trop rapide, consultations chez le psychiatre, prise de psychotropes additionnels, puisque les symptômes seraient d'origine psychosomatique).
Les implications de l'interprétation psychologisante du syndrome de sevrage par les professionnels de santé en France sont très importantes, dans la mesure où elles affectent négativement la prise en charge de la dépendance aux benzodiazépines. Le rythme trop rapide du sevrage, l'adjonction de psychotropes inutiles et dangereux en période de sevrage, la méconnaissance absolue de la réalité physique du syndrome de sevrage concourent à rendre ces méthodes impraticables. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que les taux de rechute après un sevrage "à la française" soient extrêmement importants.
Pourtant, il existe une méthode de sevrage simple, qui permet de minimiser les symptômes de sevrage et maximiser les chances de réussite. Il semble très surprenant que nos médecins ne soient pas formés à ces méthodes pourtant basées sur le simple bon sens. Ceci découle du fait que ni les autorités de santé, ni les médecins ne sont enclins à reconnaître la sévérité et la durabilité potentielle du syndrome de sevrage, dans la mesure où ceci les amènerait inévitablement à remettre en question des pratiques de prescription dangereuses, et pourtant inchangées depuis des décennies.
Les étapes incontournables du sevrage : maximisez vos chances de réussite et minimisez vos symptômes
Attention : les informations suivantes sont destinées aux personnes qui peuvent prévoir leur sevrage - si vous souffrez actuellement d'un syndrome de sevrage en raison d'une diminution trop rapide ou d'un sevrage brutal, revenez immédiatement à la dernière dose à laquelle vous vous ressentiez une bonne stabilité physique et émotionnelle.
C'est impératif - ne comptez pas sur le temps pour vous débarrasser de vos symptômes, vous risquez un syndrome prolongé de sevrage aux benzodiazépines. Certains, y compris dans le corps médical, pensent que le sevrage brutal ou trop rapide peut faire gagner du temps, mais c'est une idée fausse. Non seulement le sevrage brutal est dangereux, mais il peut prolonger vos souffrances des mois ou des années durant.
L'idée de "ne pas vouloir perdre le bénéfice de son sevrage" après des semaines de souffrances est évidemment compréhensible, mais elle repose sur une mauvaise compréhension (légitime, puisqu'elle découle d'une désinformation) de la réalité du sevrage aux benzodiazépines. Après un sevrage brutal ou trop rapide, le syndrome peut durer des mois ou des années, et certains sont contraints de reprendre leur benzodiazépine et de repasser par un sevrage lent parce qu'ils ont été mal conseillés et ont fait ce mauvais choix.
L'idéal, pour un sevrage aux benzodiazépines, est de procéder avec précaution, en planifiant à l'avance son programme de sevrage, après avoir réuni toute l'information nécessaire et s'être assuré du soutien, si possible actif, de son médecin et de son entourage. A nouveau, si ce n'est pas votre cas, et que vous vous souffrez actuellement d'un syndrome de sevrage, en raison d'une diminution trop rapide, ou d'un sevrage brutal, assurez-vous de bien vous stabiliser par la réintroduction de votre benzodiazépine à une dose à laquelle vous vous sentez stable physiquement et psychologiquement. Dans un second temps, vous pourrez procéder à la préparation de votre sevrage, qui demande une prise de recul et une certaine réflexion.
1. Réunir l'information
Lorsqu'une personne forme le projet de se sevrer des benzodiazépines, il lui faut préparer méticuleusement son plan de sevrage, ce qui implique de réunir un maximum d'information disponible sur le sujet. L'information est le pouvoir, dans le domaine de la santé plus que dans aucun autre - avant toute chose, le patient (ou son entourage, en cas d'incapacité personnelle) devra s'efforcer de réunir, lire et maîtriser l'information concernant le mode d'action des benzodiazépines, leurs effets secondaires ou paradoxaux, les symptômes de sevrage potentiels, les concepts de substitution, de titration, de demi-vie, les plans de sevrage proposés par le Pr Heather Ashton ou le Dr Reg Peart, les témoignages et conseils d'anciens patients.
Ne paniquez pas lors de cette phase de découverte, ne vous laissez pas effrayer par ces informations. Votre sevrage, s'il est mené avec prudence et raison, a toutes les chances de bien se dérouler. Rares sont les cas de sevrages lent entraînant de réelles difficultés. Gardez à l'esprit qu'un sevrage trop rapide peut vous exposer à de réelles souffrances, afin précisément de les éviter, mais n'oubliez pas que vous êtes en contrôle du rythme de votre sevrage, et que vous pouvez l'adapter de manière à en souffrir le moins possible.
2. Obtenir de l'aide
Il est indispensable, pour le sevrage aux benzodiazépines, de s'assurer le soutien d'un médecin compétent en la matière, de lui exposer votre programme de sevrage, de le sensibiliser autant que faire se peut à votre projet. Vous aurez besoin de votre médecin pour qu'il suive vos progrès et vous soutienne lorsque vous rencontrerez des difficultés, pour qu'il vous prescrive votre benzodiazépine, qu'il vous aide à faire votre substitution si vous passez par une benzodiazépine à demi-vie longue, et vous prescrive vos arrêts de travail, le cas échéant. N'acceptez pas en revanche de psychotropes additionnels, sauf en cas de risque suicidaire avéré, car la moindre substance psychoactive absorbée en période de sevrage peut accroître sérieusement vos symptômes, vos souffrances, et la durée de votre syndrome de sevrage. Expliquez-lui la raison de votre désaccord, et s'il persiste, refusez courtoisement.
Si vous avez des difficultés à trouver un médecin suffisamment ouvert d'esprit pour considérer la méthode de sevrage que vous aurez choisie, essayez du côté des médecins homéopathes, ou de la médecine naturelle en général - ils sont en général plus avertis des écueils de la médecine allopathique et se montreront sans doute plus compréhensifs.
N'oubliez pas qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, en France, le syndrome de sevrage n'est pas considéré dans sa sévérité et sa durabilité. Les médecins auront donc d'emblée tendance à écarter votre demande - persistez, trouvez le bon, celui qui saura écouter, et dépasser son doute initial.
N'hésitez pas, enfin, à lui imprimer le manuel Ashton (mis à la disposition de tous en ligne, et traduit gracieusement par des personnes victimes de la dépendance et du sevrage aux benzodiazépines). Cela lui permettra de se familiariser, s'il le souhaite, aux méthodes de sevrage en vigueur outre-Manche.
Outre l'aide de votre médecin, vous devez pouvoir compter sur vos proches, famille et amis, pour vous soutenir dans cette épreuve. Informez-les de votre projet, impliquez-les en leur expliquant les bénéfices que vous pourrez tirer de ce sevrage, et les difficultés auxquelles vous risquez de vous trouver confronté. De même que pour votre médecin, ayez le réflexe de leur soumettre les informations écrites que vous aurez sélectionnées, et qui leur permettra de s'informer par eux-mêmes s'ils le souhaitent.
Vous avez la chance, enfin, de pouvoir bénéficier d'un soutien en ligne - des personnes sevrées et en sevrage peuvent vous soutenir et vous aider à répondre aux questions en suspens, à condition bien sûr que vous fassiez en parallèle l'effort de vous informer par vous-même.
3. Le choix de la méthode de sevrage :
Cette étape peut se faire avec l'éclairage du groupe Yahoo de soutien en ligne - en effet, il existe plusieurs méthodes de sevrage aux benzodiazépines, chacune ayant ses avantages, et ses inconvénients. Il est important d'adapter la méthode au cas par cas. Les protocoles de sevrage établis par le Pr Heather Ashton sont bien plus adaptés à la réalité de la dépendance aux benzodiazépines que les méthodes de sevrage "à la française", mais ils restent trop rapides et certains membres de notre groupe de soutien ont eu du mal à les tenir jusqu'au bout. Il est préférable de vous inspirer des méthodes de sevrage du Dr Reg Peart, qui permettent d'ajuster le plan de sevrage aux symptômes dont vous serez amené à souffrir le cas échéant.
Quelque soit la méthode de sevrage que vous choisirez, il est important de respecter les règles suivantes :
-une diminution lente et graduelle :
Vous ne devez pas faire des diminutions excédant 10% de la dose en cours toutes les deux ou trois semaines ; ce qui veut dire que vous pouvez faire des diminutions de 0,3 mg tant que votre dose en cours est approximativement égale à 3mg, mais que vous devrez faire des diminutions de 0,2mg dès lors que votre dose en cours sera de 2mg. Chez la plupart des gens, il existe un seuil en deça duquel toute diminution devient plus difficile - il s'établit en général à 1/3 de la dose initiale, mais peut être plus ou moins élevé selon les personnes. Gardez cela en tête et avancez avec précaution - si vous atteignez ce seuil, maintenez la dose en cours un mois durant, puis procédez par diminutions encore plus faibles (il est possible de faire des diminutions d'1/2, d'1/4, d'1/10ème de goutte par dilution) et paliers allongés.
Les deux règles d'or du sevrage aux benzodiazépines sont donc des diminutions très petites et des paliers très longs.
-dans la mesure du possible, évitez les retours en arrière :
Les retours en arrière ont tendance à déstabiliser profondément le cerveau qui est habitué à compenser le manque et doit soudain gérer un nouvel apport de la molécule dont il cherche à se défaire. Ceci peut se traduire par un accroissement durable de symptômes, qu'une nouvelle réduction ou une nouvelle augmentation ne pourra pas contrer. C'est donc à éviter à tout prix - si vous vous trouvez dans une situation de manque infernal, après une diminution trop rapide, essayez d'abord de maintenir votre dose plus longtemps, afin de vous retrouver une certaine stabilité.
-ne diminuez que lorsque vous vous sentez apte à le faire :
Avant chaque nouvelle diminution, votre état physique et émotionnel doit être à peu près stable ; s'il vous faut maintenir votre dose deux semaines supplémentaires avant de faire la prochaine diminution, n'hésitez pas. Votre protocole de sevrage est un guide, ce n'est pas un carcan. Vous devez adapter le rythme de votre sevrage aux symptômes que vous rencontrerez sur le chemin. Ecoutez votre corps et allez à votre rythme. N'oubliez pas que la clef du sevrage n'est pas la précipitation (celle-ci se solde souvent par des symptômes aggravés, des rechutes fréquentes, et un risque accru de syndrome prolongé de sevrage), mais le temps, qui dans cette épreuve, est votre allié.
-adaptez votre environnement et votre hygiène de vie :
Les facteurs de stress environnementaux peuvent causer une poussée de symptômes, qu'il s'agisse de difficultés relationnelles, de stress au travail, ou de simples contrariétés du quotidien. Veillez à adapter votre mode de vie si nécessaire. Le syndrome de sevrage a un impact variable sur la capacité de chacun à fonctionner, que ce soit professionnellement, en société, en famille, ou même simplement fonctionner au quotidien. Certains sont obligés de se mettre en arrêt maladie, d'autres peuvent continuer à exercer leur activité professionnelle sans difficulté - d'autres encore y sont contraints, mais doivent aménager leur temps de travail. Sans en faire une obsession, dans la mesure du possible, tâchez de respecter les contraintes de votre sevrage, en évitant de vous surmener, en privilégiant les activités reposantes, et en ne vous poussant pas au-delà de vos limites. Votre système nerveux est temporairement fragilisé, et on ne peut attendre de vous que vous soyez aussi performant, dans toutes vos activités, que vous l'étiez avant le début de votre sevrage.
En ce qui concerne l'hygiène de vie - il n'est pas question ici de vous imposer de vous conformer à un quelconque mode de vie. En revanche, il est indispensable que vous sachiez quelles substances peuvent aggraver votre syndrome de sevrage, qu'il s'agisse d'alimentation, de substances psychoactives légales ou illégales, ou de traitements médicamenteux classiques. N'oubliez pas de consulter la sous-page rédigée à cet effet.
Deux méthodes de sevrage sont possibles :
-la méthode de sevrage direct (à partir de votre benzodiazépine initiale, quelqu'elle soit) : elle a l'avantage de vous éviter l'étape de la substitution qui peut être difficile pour certains. Malheureusement, la plupart des benzodiazépines à demi-vie courte et les somnifères Z (Stilnox -zolpidem et Imovane -zopiclone) ne sont disponibles qu'en comprimés, et si vous voulez faire votre sevrage par cette méthode de bout en bout, il vous faudra recourir à la méthode de sevrage par titration (voir sous-page petit guide pour la méthode de sevrage par titration). L'inconvénient de cette méthode est qu'elle ne permet pas de lutter contre le manque entre les doses (qui est bien souvent la cause de l'anxiété que causent les benzodiazépines), qu'il est impératif de prendre plusieurs doses par jour à intervalles régulier (pour lutter contre le manque) et qu'il est plus difficile de maintenir des concentrations plasmatiques stables de benzodiazépines avec cette méthode, ce qui a tendance à causer des pics de symptômes plus importants que lors d'un sevrage par benzodiazépine à demi-vie longue.
Dans les pays anglo-saxons, certaines personnes font des sevrages par titration avec des diminutions infinitésimales chaque jour - cela implique une durée de sevrage assez longue, mais les personnes qui en font l'expérience en sont satisfaites, elles ont l'impression de flouer leur cerveau qui n'arrive pas à faire la différence entre 0,125mg de Xanax et 0,124mg.
-la méthode de sevrage par benzodiazépine à demi-vie longue. L'inconvénient de cette méthode est qu'il faut passer par la case substitution. La plupart des substitutions se déroulent sans difficulté majeure, mais certaines personnes sont réticentes à prendre une autre benzodiazépine, car elles redoutent de développer une autre dépendance et ont naturellement peur de l'inconnu. En réalité, la substitution ne fait que substituer la dépendance à la benzodiazépine à demi-vie longue à la dépendance à la benzodiazépine ou au somnifère à demi-vie courte, et le problème d'une dépendance accrue ne se pose pas, d'autant que cette substitution est faite dans l'optique d'un sevrage. Les cas d'intolérance au Valium ou au Lysanxia sont extrêmement rares, et il est préférable de s'efforcer de surmonter les blocages psychologiques que peut susciter la substitution, car les bénéfices de cette méthode sont très importants. En effet, la benzodiazépine à demi-vie longue permet d'éviter d'ajouter le manque inhérent au sevrage au manque préexistant (le manque entre les doses qu'implique la benzodiazépine ou le somnifère à demi-vie courte) en maintenant des concentrations stables de benzodiazépines dans le sang. Les pics de symptômes sont lissés et le sevrage plus confortable. C'est une méthode de sevrage éprouvée de longue date (les patients du Pr Ashton se sont tous sevrés de cette manière).
Attention, si vous choisissez cette méthode, veillez à bien calculer la dose équivalente de Valium pour ne pas vous retrouver en surdosage, ou en manque d'emblée. Ne faites pas la substitution brutalement - procédez par substitution d'une partie de votre dose à la fois. Après substitution complète, attendez quatre semaines de stabilisation (c'est le temps nécessaire à l'accumulation complète du Valium ou du Lysanxia en raison de leur longue demi-vie). Puis appliquez votre plan de sevrage préétabli, sans oublier de l'adapter à mesure que vous avancez, en fonction de vos symptômes.
4. Gardez l'esprit ouvert, ne perdez pas courage
Cette épreuve n'est pas insurmontable. Vous avez l'information, vous avez la bonne méthode, qui vous permet d'être en contrôle et d'ajuster vos doses à votre état - vous n'avez rien à craindre. Evitez d'appréhender ce qui suit et prenez l'habitude de vivre un jour à la fois. L'appréhension ajoute à l'anxiété inhérente au sevrage aux benzodiazépines. Il est important de conserver un certain optimisme - écoutez les témoignages des personnes qui s'en sont sorties, et qui décrivent combien la vie leur semble plus facile, plus belle et plus heureuse à présent qu'elles sont délivrées des benzodiazépines. En effet, ce que l'avenir vous réserve, après le sevrage, est une santé mentale et physique non seulement plus solide que durant le sevrage (ce qui est une évidence), mais plus solide qu'avant la première prise de benzodiazépines. C'est quelque chose que vous aurez du mal à croire, tant que vous serez sous l'emprise de l'effet aliénant des benzodiazépines, mais que vous aurez tôt fait de réaliser par vous-même, dès l'apparition de votre première fenêtre de normalité, puis à mesure que vous vous remettrez de votre sevrage.